Annexion par la France
Afin de conduire l'Unité italienne, la politique unificatrice de Cavour froisse les Niçois, et se forme à Nice un parti francophile, renforcé par l'attrait économique de la France. Promise à Napoléon III par le traité secret du 23 janvier 1859, Nice ne sera pas cédée malgré les victoires sur l'Autriche de Magenta et Solferino-San Martino car la France n'a pas respecté ses engagements. Cavour reconsidère alors toute l'alliance franco-sarde et obtient, contre la Savoie et Nice, de conduire l'unité italienne selon ses vœux. Nice est cédée à la France par le traité du 24 mars 1860 moyennant accord des populations.
L'affaire du port-franc avait été le révélateur d'une crise qui plongeait ses racines beaucoup plus loin. Nice, ravalée au troisième rang des Etats sardes, est négligée par le gouvernement alors que la France apparaît en pleine expansion. L'appellation Comté de Nice disparaît au profit de celle de Province de Nice, amputée de Dolceaqua en 1818. A partir de 1848, ces déclassements favorisent la naissance d'un parti francophile renforcé après 1852 par les Français qui fuient le coup d'Etat. Les décisions impopulaires se succèdent : suppression du monopole de l'importation du sel vers le Piémont ou déclassements du Sénat, qui devient Cour d'Appel, et du Consulat de la Mer.
A Turin, Victor-Emmanuel II et Cavour ne perdent pas de vue la nécessité de construire l'unité italienne. Cavour rencontre Napoléon III à Plombières (20-21 juillet 1858) et conclut avec lui un accord : la France aidera la Sardaigne si l'Italie, une fois la victoire acquise, est divisée en trois Etats. En échange, la Sardaigne cèdera la Savoie. Cet accord est durci par la France dans le traité secret du 24 janvier 1859 : Nice est ajoutée à la Savoie et la France n'interviendra que si l'Autriche est l'agresseur. Le 23 avril, à la suite des provocations répétées de Cavour, l'Autriche tombe dans le piège et déclare la guerre à la Sardaigne.
En quelques semaines, par les batailles de Magenta et Solferino, l'armée autrichienne est battue par les alliées franco-sardes. Craignant une attaque prussienne, Napoléon III abandonne ses alliés et Cavour démissionne. Le nouveau gouvernement Rattazzi ne veut plus céder Nice ni la Savoie. De plus, tous les Etats du Nord de l'Italie ont voté leur annexion à la Sardaigne malgré le traité du 24 janvier. Dans cette incertitude, le parti français devient majoritaire à Nice. Le retour de Cavour (20 janvier 1860) permettra de renouer le dialogue avec la France.
Par le traité secret du 14 mars 1860, la France accepte l'unité italienne en échange de Nice et de la Savoie. Dès le 3 février, Victor-Emmanuel II avait donné son accord sous réserve de consultation des populations. Le 26 mars, un préfet français s'installe à Nice; le 27, Victor-Emmanuel II délie les Niçois de leur serment de fidélité et les 15 et 16 avril, tous les Niçois âgés de 21 ans sont appelés aux urnes : 83,82 % des inscrits et 99,12 % des votants approuvent l'annexion (25743 oui et 160 non). Tout les y a poussé : leur roi, leur gouvernement, leur administration, l'élite et le clergé local, très influent, favorable à la France protectrice du pape contre les Savoie anti-cléricaux. Le 29 mai et 11 juin, les Chambres sardes approuvent la cession; les 15 et 22 juin, c'est au tour des Chambres françaises. Le 14 juin 1860, le drapeau français hissé sur le Palais royal concrétise le transfert du Comté de Nice à la France. Cinq siècles d'histoire s'achèvent ce jour-là.
Hervé BARELLI et Roger ROCCA
(in Histoire de l'Identité Niçoise, Serre Éditeur, 1995)