La restauration Sarde
Le 27 avril 1814, le gouverneur français du Piémont, apprenant l'abdication de Napoléon, cède la place à un Conseil de Régence chargé de préparer le retour des Savoie. Déjà, le 16, Nice avait obtenu le départ du préfet Dubouchage et acclamé Victor-Emmanuel Ier. Le 19 mai, le roi rentre à Turin. Le 30, le premier traité de Paris lui restitue le Piémont, Nice et la Savoie mais sans Chambéry et Annecy et les dernières troupes françaises quittent Nice. Après Waterloo, le second traité de Paris rend Chambéry et Annecy à la Sardaigne. Mais le grand événement, c'est l'annexion, malgré l'hostilité de l'Angleterre et des Gênois eux-mêmes, de l'ancienne république de Gênes. Désormais, Turin dispose d'un très grand port, plus proche que Nice et plus facile d'accès. Cette annexion aura d'importantes conséquences sur le destin de Nice et de son Comté.
Nice va vivre, trente années durant, une période de stabilité qui la conduira aux premières étapes de son développement moderne. Politiquement, toutes les institutions d'Ancien Régime y sont rétablies, et les révolutions piémontaise de 1821 et française de 1830 n'y ont presque aucun écho. Cette grande srénité permet un timide essor économique autour du port, agrandi et surtout du tourisme dont les effectifs doublent en vingt ans (de 1831 à 1849). Ce tourisme encourage un grand effort de modernisation urbaine, grâce à la mise en place du Consiglio d'Ornato (1832), tandis que cette stabilité favorise, non sans contrastes, le renouveau de la littérature niçoise illustré par Rancher et la multiplication de savants niçois renommés comme Risso et d'artistes de talent comme les Trachel.
Le règne de Charles-Albert (1831-1849), marqué par la personnalité hésitante du roi, est un long paradoxe. D'une part, le roi perpétue son hostilité aux libéraux et aux révolutionnaires unitaires italiens, comme le montrent les répressions des complots de 1833-1834. D'autre part, il fait évoluer la monarchie en modernisant ses institutions administratives, et il laisse ses sujets participer au débat intellectuel sur l'unité italienne. Cette libéralisation conduit à la proclamation du Statuto (4 mars 1848), première constitution du royaume et à la première guerre de l'Unité italienne. Mais la Sardaigne, seule, est finalement battue (Custozza, 25 juillet 1848 et Novare, 23 mars 1849), ce qui amène Charles-Albert à abdiquer (24 mars 1849). Son fils Victor-Emmanuel II lui succède.
Tout d'abord, le nouveau roi doit limiter les conséquences des échecs précédents : la paix est signée avec l'Autriche (6 août 1849) sans pertes territoriales et l'opposition comme le soulèvement républicain de Gênes (1er-5 avril 1849) sont vaincus. Le gouvernement de centre-gauche d'Azeglio s'attache alors à la lutte anti-cléricale, ce qui provoque la crise des lois Siccardi et celle du mariage civil qui amène Cavour au pouvoir (4 novembre 1852). Le nouveau premier ministre, gouvernant au centre maintient la politique anti-cléricale (loi d'incamération, 1855), développe le réseau ferroviaire (1848-1857), allie la Sardaigne à la France et à l'Angleterre (1854) et instaure le libre-échange économique qui entraîne la suppression du port-franc de Nice (1851-1853). Cette grave mesure, maintenue malgré les protestations des Niçois, les détache de la maison de Savoie.
Hervé BARELLI et Roger ROCCA
(in Histoire de l'Identité Niçoise, Serre Éditeur, 1995 )