Turcs et Français assiègent Nice
Depuis 1494, les rois de France successifs tentent, sans succès, de prendre pied en Italie. Monté sur le trône en 1515, François Ier s'oppose dès 1519 au nouvel empereur germanique Charles Quint, qui tient le nord de l'Italie. La guerre ensanglante l'Europe, puisque Charles Quint possède aussi les Flandres et l'Espagne. Entrecoupé de trèves diverses, le conflit s'éternise. En 1538, une nouvelle tentative de réconciliation entre les deux puissants souverains se déroule à Nice sous les auspices du pape Paul IV : c'est la paix de Nice, que commémorent la Croix de Marbre érigée dans la rue de France et la voisine rue du Congrès.
Mais l'accalmie est de courte durée et le conflit reprend en 1541. Alliés de Charles Quint, les États de Savoie sont en première ligne. François Ier s'allie avec l'empire ottoman et les galères turques mettent le cap sur la Méditerranée occidentale...
Le 5 août 1543, accompagnées par une petite flotte française, les 100 galères de Kheir-ed-din dit Barberousse jettent l'ancre dans la rade de Villefranche. Le Turc exige aussitôt la reddition de la ville de Nice, à laquelle il demande de se soumettre à la souveraineté de François Ier, en vertu des droits que le Très-Chrétien y possède en tant que comte de Provence.
Il espère ainsi renforcer la prépondérance navale dont le pouvoir ottoman bénéficie en Méditerranée depuis sa victoire de la Prevesa en 1538, en retirant à la flotte espagnole le contrôle du port de Nice-Villefranche, qui est aux mains du duc Charles III, allié de Charles-Quint.
La ville de Nice lui ayant opposé une fin de non recevoir, Barberousse fait installer une série de batteries sur les collines qui entourent la ville de Nice. Il attend aussi le soutien d'une armée terrestre française, conduite par le duc d'Enghien, qui franchit le Var et arrive à Nice le 11 août. Les alliés peuvent dès lors commencer le siège : à partir du 12 août, Nice est soumise à un incessant bombardement avant que, le 15 août, les forces franco-turques ne lancent un assaut que les Niçois ne repoussent qu'avec une extrême difficulté.
Prenant acte de ce premier échec, les Turcs tentent de faire plier la ville en pillant les campagnes niçoises. C'en est trop pour les Niçois, qui décident d'ouvrir les portes de la ville aux assiégeants à condition qu'elle ne soit occupée que par les seules troupes françaises.
Si les Français peuvent prendre possession de la ville le 19 août, la citadelle savoyarde reste toutefois fidèle au pouvoir ducal. Les forces franco-turques espèrent en finir rapidement avec la résistance du château, mais leurs assauts font long feu. Dès le début du mois de septembre, les Turcs commencent à trouver le temps long et s'inquiètent des rumeurs qui annoncent l'arrivée d'une armée de secours. Barberousse renonce à poursuivre le siège et se retire, non sans avoir auparavant dédommagé ses troupes en les autorisant à mettre à sac la ville de Nice.
Pour la ville et le pays niçois, pris en étau entre la résistance de la citadelle savoyarde et les forces franco-turques, le bilan du siège est donc particulièrement lourd. Les Turcs laissent un pays exsangue, qui pleure les 2 500 captifs que les galères de Barberousse emportent vers les marchés d'esclaves. Dans la mémoire niçoise, le siège de 1543 constitue un traumatisme majeur, dont le souvenir restera longtemps très présent.
(Article de Laurent RIPART in Dictionnaire historique et biographique du Comté de Nice, Serre Éditeur, 2002)
(Article de Laurent RIPART in Dictionnaire historique et biographique du Comté de Nice, Serre Éditeur, 2002)